Puissants trafiquants, tribunal déménagé, mesures exceptionnelles : deux énormes procès pour trafic de drogue s’ouvrent sous haute sécurité à Bruxelles

Flor Bressers et Sergio Roberto de Carvalho. Un Limbourgeois de 37 ans, originaire de Lommel, et un Brésilien de 65 ans. Les deux hommes sont les principaux prévenus de ce procès qui s’ouvrent ce lundi devant le tribunal correctionnel de Bruges, exceptionnellement délocalisé au Justitia, à Haren, pour des raisons de sécurité. Les locaux brugeois ne sont pas suffisamment équipés pour accueillir ce procès, qui présente des risques sécuritaires pour le personnel, les suspects, le public et la police.

Flor Bressers est l’un des dirigeants présumés du réseau criminel poursuivi par la justice, celui qui aurait organisé la réception et la vente de la drogue en Europe. Beaucoup le voient comme l’un des trafiquants les plus puissants et les plus importants du moment.

En 2022, la police suisse l’arrête dans un hôtel de Zurich où il se cachait sous une fausse identité avec sa compagne et son fils. Depuis, il a été extradé vers la Belgique, où il a été incarcéré.

En 2020, il a été condamné par la cour d’appel d’Anvers à quatre ans de prison pour avoir séquestré un trafiquant de drogue néerlandais. La victime à qui il reprochait d’avoir perdu une quantité de drogue l’accusait lui et ses complices de l’avoir menacé de mort et de lui avoir entaillé la main avec une lame de rasoir.

Quelques années auparavant, Bressers, surnommé « l’universitaire », car il a suivi un master en criminologie à la VUB, avait en revanche été acquitté dans un autre dossier. Celui de la prise d’otage d’un petit dealeur néerlandais en 2010. Pendant le passage à tabac, l’un des agresseurs lui a coupé un doigt à l’aide d’un sécateur. Si Flor Bressers a été blanchi par la justice pour cela, un autre surnom lui est resté : le « coupeur de doigt ».

Flor Bressers et Sergio Roberto de Carvalho sont considérés par la justice belge comme les dirigeants d’un réseau international de trafic de drogue. © Belga Image

A ses côtés, face au tribunal, Sergio Roberto de Carvalho, surnommé le « Pablo Escobar brésilien » est suspecté d’avoir organisé le trafic de l’autre côté de l’Atlantique, depuis le Brésil. L’homme de 66 ans est un ancien major de la police militaire brésilienne. Pendant longtemps, il a vécu en Espagne. Il avait fait croire à sa mort pour échapper aux autorités, mais a finalement été arrêté en Hongrie en 2023 et extradé vers la Belgique l’année suivante. Il fait également l’objet de poursuites au Brésil pour l’export de 45 tonnes de cocaïne.

Au total, 31 prévenus comparaissent devant le tribunal correctionnel de Bruges. Parmi ceux-ci figurent les deux anciens bras droits présumés de Flor Bressers mais aussi l’ancien avocat pénaliste Pol Vandemeulebroucke. Un autre avocat, le Néerlandais Cem Polat, fait également partie des inculpés, tout comme un cryptobanquier londonien qui aurait aidé à blanchir l’argent de la drogue.

Des tonnes de cocaïne importées en Europe

Premier fait marquant dans ce dossier : en avril 2020, la police néerlandaise découvre plus de trois tonnes de cocaïne dans le port de Rotterdam. La drogue, expédiée du Brésil, est dissimulée dans des conteneurs remplis de minerais de manganèse. Une partie d’entre eux est destinée à une entreprise anversoise d’épuration des eaux, Kriva Rochem. Dans les semaines qui suivent, son patron est arrêté. Rapidement, les enquêteurs mettent à jour un important trafic. Des tonnes et tonnes de cocaïne ont été importées d’Amérique du Sud vers plusieurs ports européens (en France, en Belgique ou en Pays-Bas) en l’espace de quelques mois seulement.

En seulement dix transports de manganèse, connus de la justice, il est question d’environ 15 tonnes de drogue pour une valeur de 220 millions d’euros. Le réseau est aussi poursuivi pour la revente de stupéfiant en Belgique, en France ou au Royaume-Uni, le transport de cocaïne dans des cargaisons de soja ou de boîtes de thon. Il aurait également acheté un avion et aménagé une piste d’atterrissage en Guinée pour faciliter le transport aérien de la drogue vers l’Afrique.

Le décryptage en 2020 et 2021 des messageries cryptées Encrochat et Sky ECC, utilisées par les criminels présumés, ont permis aux enquêteurs de nourrir le dossier.

Le tribunal correctionnel de Bruges se déplace exceptionnellement au Justitia pour des raisons de sécurité. © Michael MARINO

L’appel du dossier « Encro » débute aussi ce lundi au Justitia

Au même moment, dans le même bâtiment, un second procès d’ampleur est au programme : le procès en appel du dossier « Encro ». En octobre 2024, le tribunal de Bruxelles a condamné 115 personnes et quatre sociétés à des peines allant de 14 mois à 17 ans de prison ainsi qu’à 60 millions d’euros de confiscations. 58 condamnés ont fait appel.

Ce procès est l’un des plus gros dossiers de trafic de drogue instruit dans notre pays. Pendant six mois, 120 personnes ont été jugées pour l’appartenance à un vaste réseau criminel. L’organisation criminelle démantelée, grâce au décryptage des messageries Encrochat et Sky ECC, d’où le nom du dossier, a également mis sur pied un vaste trafic de cocaïne entre l’Amérique du Sud et l’Europe. Bruxelles était le centre logistique du réseau. La drogue importée par navires marchands ou jets privés était réceptionnée, transformée et reconditionnée dans la capitale, avant d’être convoyée vers d’autres pays d’Europe. Plusieurs laboratoires ont été découverts par la police.

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Deux procès sous haute sécurité

La concomitance de ces deux procès d’envergure concernant tous les deux des dossiers de trafic de drogue a pour conséquence la mise en place d’un important dispositif de sécurité, avec des mesures drastiques. La police fédérale se charge du dispositif, mais refuse de le commenter. Chose rare, aucune image et aucun dessin de presse ne seront autorisés pendant l’audience du tribunal correctionnel de Bruges.

Dans ce dossier Bressers-de Carvalho particulièrement, la police doit tenir compte d’un risque de tentative d’évasion. La menace est jugée sérieuse. Cela tient notamment à la personnalité et à la stature de certains suspects, parmi les plus riches et les plus puissants dans le milieu du narcotrafic.

Quant au dossier Encro, il a été porté depuis le début par Julien Moinil, lorsque celui-ci était magistrat au parquet fédéral. L’actuel procureur du Roi de Bruxelles, aujourd’hui sous protection rapprochée, avait déjà fait l’objet de menaces par le passé. Elles étaient possiblement liées à cette affaire Encro qui a levé le voile sur des pratiques très violentes de la criminalité organisée.

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Le simple fait de délocaliser un procès de Bruges à Bruxelles est remarquable. Il est justifié par le haut degré de sécurité que propose le Justitia, l’ancien quartier général de l’OTAN. Conçu initialement pour garantir une sûreté renforcée, il a été rénové pour y ajouter d’importantes installations et mesures de sécurité. Cela lui a notamment permis d’accueillir, entre 2022 et 2023, le procès-fleuve des attentats de Bruxelles.

Lors du procès des attentats du 22 mars, un important dispositif policier avait déjà été mis en place au Justitia. © Belga Image

« En plus des dispositifs de sécurité extérieurs, le bâtiment lui-même est équipé de mesures de protection internes. Plusieurs niveaux de contrôle sont assurés par les membres du service permanent de surveillance en collaboration avec la police, explique le SPF Justice. Avant d’accéder aux salles d’audience, toutes les personnes sont soumises à des contrôles approfondis via des portiques de détection et d’autres vérifications de sécurité. Pour garantir la protection des magistrats et du personnel judiciaire, une entrée séparée leur est réservée afin d’accéder au bâtiment en toute sécurité.« 

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