Discussion autour du budget à Bruxelles : « Nous ne voulons pas de politique d’austérité, ni faire mal aux Bruxellois » insiste le socialiste Ahmed Laaouej

Pour le chef du Parti socialiste Bruxellois, arrivé en seconde position juste derrière le MR lors des élections de juin 2024, se montre optimiste face à la rentrée politique dans la capitale : « La rentrée parlementaire permettra d’abord de se retrouver, de faire revivre cette institution qui est très importante et qui était un peu en congé ces dernières semaines pour, en effet, aller vers la formation d’un gouvernement, parce qu’il est temps aujourd’hui de se mettre autour de la table, de pouvoir négocier un budget. Je crois que c’est vraiment la priorité – avec les gens de bonne volonté – de remettre de l’ordre dans les comptes et puis surtout de tracer ce qui, demain, pourrait être un accord de gouvernement« ,

Cette question du budget, axe central d’un gouvernement, va être la porte d’entrée des négociations… D’autant plus que la situation budgétaire de la région n’est pas au beau fixe : « Lors des discussions avec le facilitateur Yvan Verougstraete, chacun a convenu qu’il fallait absolument avancer sur le budget« , rappelle Ahmed Laaouej. Pour le président du PS bruxellois, « il est essentiel de remettre de l’ordre dans l’équilibre, de résorber les déficits pour pouvoir faire face aux besoins et aux priorités des Bruxelloises et des Bruxellois en matière de logement, en matière de mobilité, en matière de cohésion sociale, de sécurité, de propreté.« 

Un budget, même sans gouvernement ?

Reste que sans majorité et gouvernement, il est difficile, voire impossible, de faire avancer les choses. Mais pour celui qui est aussi bourgmestre de Koekelberg, le parlement pourrait se pencher sur le budget, sans forcément statuer sur une formation de gouvernement : « Aujourd’hui, le Parlement doit pouvoir prendre ses responsabilités. L’objectif est de créer une plateforme de partis qui peuvent s’entendre sur des priorités communes. Parce qu’un budget, c’est évidemment tracer des priorités, mais surtout pour lancer un signal de la nécessité de gérer les affaires publiques à Bruxelles.« 

Reste qu’après plus d’un an, pourquoi ne pas avoir insufflé cette dynamique bien plus tôt ? Pour Ahmed Laaouej, la responsabilité de cet immobilisme est à trouver du côté des autres formations politiques : « Il y a plus d’un an déjà, le Parti socialiste invitait à commencer à faire un budget. On nous répondait ‘Mais non, faire un budget, c’est faire un gouvernement’. Aujourd’hui, nous avons fait des émules. Tant mieux. Le facilitateur lui-même le propose et un certain nombre de partis était pressenti pour former une coalition dans le cadre de la mission du facilitateur.« 

Il y a une proposition – qui est sur la table – de faire une plateforme pour pouvoir avancer sur le budget. Avec Les Engagés, le MR mais aussi Groen, Vooruit et le CD&V, nous sommes prêts à avancer.

Dans les plans envisagés, Ahmed Laaouej parle d’une coalition avec les Engagés et le MR du côté francophone, à condition que les libéraux « se prononcent sur le sujet. Je ne doute pas qu’ils le feront dans les heures ou jours à venir. Sinon, ce sera une majorité alternative. Il est urgent de le faire.« 

Si une coalition avec les libéraux et l’ex cdH ne se réalise pas, le président du PS bruxellois ne ferme cependant pas la porte à une majorité alternative : « Si cette solution n’existe pas, il faudra en effet envisager d’autres pistes. Mais nous devons faire une chose à la fois, étape par étape. Il y a une proposition – qui est sur la table – de faire une plateforme pour pouvoir avancer sur le budget. L’Open VLD a manifesté son désintérêt, peut-être qu’il va changer d’avis. Mais en tout cas avec Les Engagés, le MR mais aussi Groen, Vooruit et le CD&V, nous sommes prêts à avancer.« 

Subtilité de la politique, en matière de budget, il n’est pas nécessaire pour le parlement bruxellois d’obtenir une majorité politique dans les deux camps linguistiques. Une majorité simple pourrait suffire. Le Parti Socialiste pourrait-il cependant mettre les partis flamands sur la touche ? Ce n’est en tout cas pas l’objectif des socialistes bruxellois : « L’objectif n’est certainement pas de mettre en minorité qui que ce soit. L’objectif, c’est que chacun soit cohérent. On ne peut pas d’un côté dire ‘attention, les finances de la Région bruxelloise sont en déficit et ça ne va pas, il y a un danger’, et d’un autre côté, refuser de se mettre à table et de travailler.« 

Nous ne voulons pas de politique d’austérité. Nous ne voulons pas faire mal aux Bruxelloises et aux Bruxellois. Ça, c’est clairement quelque chose que nous mettons sur la table

Et du travail, les partis politiques en auront, avec en ligne de mire des économies drastiques pour la région : « Il faut faire des économies parce qu’on ne s’en sortira pas sans faire des économies. Mais nous ne voulons pas de politique d’austérité. Nous ne voulons pas faire mal aux Bruxelloises et aux Bruxellois. Ça, c’est clairement quelque chose que nous mettons sur la table« , insiste Ahmed Laaouej.

« Pour nous, il faut voir comment on peut, sur le plan notamment des investissements, faire certains aménagements qui n’entravent pas non plus le développement de Bruxelles. Avec ça, nous avons les éléments qui permettraient d’avancer rapidement« , estime le socialiste.

Revoir les ambitions à la baisse ?

Toujours est-il que pour faire des économies, il va falloir revoir à la baisse – voire renoncer – à des projets d’ampleur. La question du projet du métro 3 vient immédiatement à l’esprit, mais d’autres enjeux de mobilités pourraient être mis à mal, notamment l’électrification de tous les bus en Région bruxelloise d’ici 2035.

La région pourra-t-elle tenir ses engagements ? Le président du PS bruxellois se montre prudent : « Cela fait partie des sujets qu’on devra évoquer. Bien évidemment, chacun viendra avec ses priorités. C’est ça, une négociation. Chacun vient avec ses priorités, ses lignes rouges à ne pas franchir. Il y a en Belgique une culture du compromis, et c’est ce à quoi on doit s’employer.« 

La drogue à Bruxelles ? Un problème d’abord Anversois

Au-delà de la question budgétaire, il y a aussi la question de la sécurité à Bruxelles. Les ministres de la Défense (Théo Francken – N-VA) et de l’Intérieur (Bernard Quintin – MR) ont annoncé un accord pour déployer des militaires dans les rues de Bruxelles pour lutter contre les violences engendrées par le trafic de drogue dans la capitale.

Une mesure prise par le gouvernement Arizona en laquelle le PS ne croit pas : « Je constate surtout que les annonces du gouvernement fédéral deviennent une forme de pantalonnade, puisqu’on a annoncé des milliards dans la rue. Puis, on nous explique que ce sera pour l’année prochaine… »

Pour Ahmed Laaouej, les yeux devraient d’abord se tourner vers le port d’Anvers plutôt que du côté de la capitale : « Le port d’Anvers est une passoire. Le trafic international de la drogue s’y donne rendez-vous« , estime-t-il. « Mais tant que tant qu’on ne coupera pas le robinet anversois, nous continuerons à Bruxelles, en Wallonie et ailleurs, à être inondés par la drogue. Ce qu’il faut, c’est certainement renforcer les contrôles là-bas, venir en support de la douane ».

D’après le président du PS bruxellois, les problèmes de drogues, mais aussi la criminalité au sens large qui touchent notre pays sont « un aveu d’échec » du gouvernement fédéral : « Ça prouve clairement que le ministre de l’Intérieur, actuellement, n’est pas en capacité de renforcer les zones de police, de renforcer la police judiciaire fédérale. Le procureur du roi Julien Moinil dit la même chose avec les moyens qui manquent au niveau de la justice et qui ne sont toujours pas débloqués. Il y a la ministre de la justice Annelies Verlinden  (CD&V) qui demande un milliard d’euros et on lui envoie une fin de non recevoir. Mais fondamentalement, qu’est ce qui va changer dans les semaines et mois qui viennent ? », se questionne Ahmed Laaouej.

« On voit bien qu’aujourd’hui, on pense davantage à faire des économies au niveau fédéral, dans les services publics, dans les soins de santé, plutôt que trouver des moyens pour renforcer la sécurité et la justice« , regrette le président du PS bruxellois.

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