Daniel, de Ligny nous a posé cette question :
« Pour lutter contre le trafic de drogue, on parle de mettre l’armée dans les rues. Est-ce que les militaires pourront réellement intervenir ? Est-ce que cela aura un impact financier ?«
La réponse est oui, mais ce « oui » se conjugue au conditionnel. Car cela va dépendre de la modification du cadre juridique qui entoure les missions des militaires belges déployés sur le territoire national.
A l’heure actuelle, les droits des militaires restent assez limités. Entre 2015 et 2021, l’armée a été mobilisée dans le cadre de l’Opération Vigilant Guardian et de la lutte contre le terrorisme. A l’époque, les militaires ne pouvaient pas procéder à des contrôles d’identité ou à une arrestation. Ils pouvaient simplement réagir en cas de légitime défense, de menace directe ou maîtriser un individu pris en flagrant délit en attendant l’arrivée de la police.
Aujourd’hui, cela reste d’actualité. « Les militaires n’ont pas de compétences de police en matière de maintien de l’ordre, explique le Service de presse de la Défense. Ils ne peuvent en conséquence pas exécuter de fouilles (de personnes ou de biens, pas saisir des biens, pas effectuer des contrôles d’identité). Ceci doit être prévu par la loi. »
Un nouveau cadre juridique est prêt
Pour éviter que les militaires déployés à Bruxelles se retrouvent dans la même situation, le ministre de la Défense, Théo Francken, a indiqué sur X qu’un « cadre juridique clair, avec des compétences et des règles d’intervention bien définies, est prêt« . Ce que nous confirme également la Défense : « un Codex Défense (et donc une loi) qui devrait donner plus d’autorité aux militaires pour ce genre de missions est en préparation. »
Comme il l’a expliqué au micro de VTM, le ministre N-VA veut que les militaires puissent « exercer des fonctions de police. Ils doivent pouvoir fouiller, patrouiller, procéder à des contrôles d’identité ou à des arrestations, etc.« Le texte doit être présenté dans les prochaines semaines au Conseil des ministres. Il devra ensuite faire l’objet d’un vote à la Chambre. « Nous voulons aller le plus vite possible« , glisse-t-on au cabinet du ministre de l’Intérieur, en charge de la police.
Un déploiement qui ne convainc pas tout le monde
Mobiliser des militaires en rues pour lutter contre le trafic de drogue pourrait avoir un côté dissuasif pour les criminels et, en même temps, rassurant pour une certaine partie de la population. Pour le ministre de l’Intérieur, Bernard Quintin (MR), il s’agit d’envoyer un message à la population et aux dealeurs pour montrer que l’Etat intervient et veut mettre fin à la violence qui découle du deal de stupéfiant à Bruxelles.
La présence des militaires en rues permet aussi de réduire la criminalité. En 2015, le déploiement des militaires dans la capitale et à Anvers avait, selon les statistiques policières, permis une baisse de la criminalité, enregistrée entre 20 et 30%.
A l’inverse, les syndicats policiers et militaires ainsi que plusieurs experts en criminologie se positionnent contre ce déploiement. Pour eux, il s’agit avant tout d’une mesure de communication qui n’aura que peu d’effets sur les trafics. Il risque de déplacer les violences d’un quartier à l’autre, plutôt que de les arrêter. De plus, les policiers et les militaires n’ont pas les mêmes formations, tactiques d’intervention et matériels.
Du côté de la Défense, on rappelle que l’armée belge a d’autres priorités vu le contexte géopolitique actuel. « Avec une petite force terrestre comme nous avons, on ne peut pas tout faire. Je ne peux pas à la fois me préparer à un conflit de haute intensité, assurer des missions extérieures et en plus surveiller les rues, explique le général-major Jean-Pol Baugnée, commandant de la Force Terrestre de la Défense, à nos confrères de la Dernière Heure. On a l’impression que l’armée est devenue le ressort facile, la variable d’ajustement. »

Caméras, opérations policières et militaires en rue : l’Intérieur a son plan
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Un coût encore incertain
Le budget d’une telle opération reste, pour l’heure inconnu. Il ne peut pas non plus être estimé, car on ne sait pas encore combien de militaires seront déployés, ni combien de temps ils le seront. Le seul point de comparaison possible est l’Opération Vigilant Guardian contre le terrorisme. Elle avait coûté 216 millions d’euros, sur six ans et avec jusqu’à 1800 militaires déployés.
On peut aussi comparer le coût horaire d’un militaire et celui d’un policier en se basant sur des montants communiqués par les syndicats militaires et policiers. Cela n’est pas forcément évident, car il faut prendre en compte les primes de missions, le travail de nuit et des temps de travail différents. Mais on peut estimer qu’un militaire déployé en mission en Belgique coûte, par heure, trois fois moins cher à l’Etat qu’un policier amené à patrouiller à Bruxelles.
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